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Le Mali s’isole en Afrique et se retire du G5 Sahel

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Le 15 mai, le Mali a annoncé sans retenue son retrait du G5 Sahel, y compris la force conjointe. La raison: l’opposition de certains Etats du G5 à ce que le Mali prenne sa présidence tournante. Il faut aussi citer les sanctions de la Cédéao et les relations exécrables avec le Niger et la France. Engagés dans un processus de rupture avec Paris, la junte malienne s’isole néanmoins un peu plus en Afrique de l’Ouest. 

Un retrait de protestation

G5 Sahel Dimanche 15 mai, Bamako a annoncé son retrait « de tous les organes et instances du G5 Sahel ». Une décision qui « sera notifiée aux États membres de l’organisation conformément à la procédure prévue en la matière ».

La présidence tournante de l’institution devait être transférée au Mali en février. Cependant certains pays membres s’y sont opposés. Principalement en raison des deux coups d’Etat d’août 2020 et de mai 2021, et une transition démocratique qui se prolonge. Déjà visé par une série de sanctions par la Cédéao, la junte voit ce refus comme une nouvelle mise à l’écart. En conséquence le Mali se retire du G5 Sahel en signe de protestation. La protestation vise aussi la France. Le communiqué officiel accuse les états qui s’opposent à sa présidence d’être liés « aux manœuvres d’un État extrarégional visant désespérément à isoler le Mali ». Un état non nommé mais dont on devine l’identité. L’annonce arrive en effet dans un contexte de relations diplomatique particulièrement dégradées entre Paris et Bamako.

 

Un contexte de crise diplomatique avec la France

Le communiqué publié par la junte au pouvoir accuse le G5 Sahel d’une « perte d’autonomie ». Il dénonce aussi une « instrumentalisation » de l’organisation.

L’accusation en demi-mot n’est que le dernier épisode d’une rupture violente entre les deux anciens partenaires. LesForce Barkhane Mali relations entre la France et le Mali sont tendues depuis que l’armée a pris le pouvoir en août 2020. Elles se sont davantage dégradée depuis qu’Emmanuel Macron a annoncé en juin dernier la reconfiguration de ses forces militaires sur place. Le président comptait par ailleurs sur les forces armées du G5 Sahel pour prendre le relais. Le but étant d’une part une réduction des effectifs français. D’autre part, le transfert à l’armée malienne de positions dans le nord du pays. Le tout, avec un support anti djihadiste des cinq pays membres du G5.

La discorde est aussi politique. L’insistance du président français sur le retour nécessaire à un gouvernement civil a provoqué la colère de la junte. Depuis, le ton ne cesse de monter. Le 31 janvier le Mali avait ordonné l’expulsion de l’ambassadeur français dans le pays, Joël Meyer. Le 17 février, Emmanuel Macron annonce le départ des 2 400 derniers soldats de l’opération Barkhane. En avril, Bamako renchérit et suspend la diffusion de France 24 et RFI dans le pays. Le dernier acte revendicatif de souveraineté malienne remonte au 2 mai. La junte rompt alors les accords de défense avec la France et l’Europe. Ce traité datait du 16 juillet 2014 et encadrait la présence militaire française au Mali.

Le G5 Sahel : un bilan mitigé

Le G5 Sahel est créé en 2014, à Nouakchott. Il regroupe la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. L’organisation se définit alors comme « un cadre institutionnel de coordination et de suivi de coopération régionale ». Son objectif est d’allier développement et sécurité au sein des états membres.

Le pilier développement vise surtout à attirer et coordonner les capitaux de l’aide dégagés par les grands bailleurs de fonds internationaux. Le pilier sécurité repose quant à lui sur la « force conjointe », lancée en 2017. Composée d’une demi-douzaine de bataillons issus des armées nationales, son défi est de couvrir les frontières. Soit, les zones où se concentrent la majorité des attaques djihadistes. Cette force va vite souffrir des mêmes problèmes qui touchent les armées nationales. Le manque de financement, l’inertie organisationnelle, les problèmes de coordination et la défiance entre voisins limitent son efficacité.

Sur le plan tactique, la force conjointe bénéficiait essentiellement de l’appui de la France. L’opération Barkhane, lancée en 2014, a fourni matériel, conseil et formation aux armées du G5. L’ONU est présente via un plan de soutien qui s’étend à dix pays sahéliens. Enfin, l’armée malienne bénéficiait d’un plan de formation de l’Union européenne (EUTM Mali).

 

Quel avenir pour le G5 sahel ? Des avis divergents.

Les réactions des anciens partenaires de Bamako sont multiples. La semaine dernière le président du Niger, Mohamed Bazoum, a déclaré « la mort » du G5 Sahel. Pour lui, le Mali s’isole en Afrique. Son attitude prive aussi ses voisins « d’une stratégie concertée et coordonnée pour lutter contre le terrorisme ».

Le Tchad reste plus modéré dans ses propos. Le porte-parole du gouvernement, Abderaman Koulamallah, reste optimiste. Le 20 mai une délégation tchadienne s’est par ailleurs rendue à Bamako dans le but d’apaiser les tensions. La Mauritanie a elle aussi détaché une délégation pour tenter de convaincre Bamako de revenir sur sa décision.

En conséquence, vu les résultats mitigés de la force conjointe, l’impact opérationnel ne se fait pas encore sentir. Cependant la situation illustre bien les tensions entre le Mali et ses voisins. Ce, face à une situation sécuritaire particulièrement instable et qui continue à se dégrader. Reste à savoir si des relations bilatérales seront suffisantes à entériner l’avancée djihadiste au Sahel.

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Anastasia Athénaïs Porret

Athénaïs PORRET est docteure en sociologie et genre, diplômée de Paris Cité. Elle s’intéresse particulièrement à la géopolitique du terrorisme, le Moyen Orient, l’Afrique et les enjeux sécuritaires et d’influence.

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